Noël de bêtes

Or donc, quand l’Ange eut claironné
Dans le Ciel, à la ronde,
Que l’Enfant-miracle était né
Pour le salut du monde,

Tous les animaux à la fois,
De tout poil, tout plumage,
Quittant leurs déserts ou leurs bois,
Vinrent lui rendre hommage.

Et tous, fauves et familiers,
Ils fêtèrent, en somme,
Selon qu’ils étaient outillés,
Le cher petit bonhomme.

Le lion fut conquis du coup,
Lui lécha ses menottes ;
Le tigre ronronna, le loup
Lui montra les quenottes.

Le bison, de joyeuse humeur,
Lui fit palper sa bosse,
Afin de lui porter bonheur ;
Le serpent, si féroce,

Sembla sortir de quelque étui ;
Et, voyez la merveille :
Il fit peau neuve devant lui,
Pour lui donner la vieille.

Le rhinocéros, Dieu merci !
A de la peau de reste :
Il donna de la sienne aussi,
De quoi faire une veste.

Le boeuf, d’un museau familier,
Lui tracassa la joue
Et l’ours se mit à gambiller,
Et le paon fit la roue.

La poule lui pondit des oeufs
Dans la main. Les abeilles
Déposèrent un miel des dieux
Sur ses lèvres vermeilles.

L’hippopotame le surprit
Par sa grimace pire...
Que voulez-vous ? Il est écrit
Qu’il n’a pas le sourire.

[Raoul Ponchon]

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