La fille du sultan
La fille du sultan dans sa robe à sequins,
Toute menue au fond de l'étroit palanquin,
Rêve de supprimer l'horrible forme mâle.
Parfois ses longs doigts peints qu'encerclent les opales
Frôlent la favorite assise à ses côtés.
Ses yeux verts sont perdus sous de grands cils bleutés…
Malheur aux jeunes gens qui viennent sur leur porte
Ou sortent des bazars lorsqu'avec son escorte,
Ses eunuques et son grand tigre apprivoisé,
Serrant ses petits seins sous son châle croisé,
Elle rêve aux beautés des lignes féminines.
Malheur aux jeunes gens qui sortent des piscines
Et marchent au soleil couverts de gouttes d'eau.
Ils sont à coups de fouet attachés dos à dos,
On les mène au palais, on en fait des eunuques.
Quand ils sont épilés, revêtus de perruques
Et de robes, sanglants et des chaînes aux pieds,
Demi-hommes déchus en femmes habillés,
La fille du sultan à son balcon regarde,
Heureuse et frissonnante, et fait signe à ses gardes
De les frapper plus fort de la lance ou du fouet
Afin qu'ils la supplient de leur voix en fausset.

[Maurice Magre, La monteé aux enfers]

 

| entrada | Llibre del Tigre | sèrieAlfa | varia | Berliner Mauer |