1
Vivent les castagnettes!
Tac! tac! tac! les clochettes,
Les boléros!
Per el rey, quand je danse,
Plus que la diligence
Et ses grelots,
Je sonne! - Par la ville
Aux doux soirs de Séville
Dig! il n'est pas
De nain qui plus lutine
Que le fou de Rosine
Ha! ha! ha! ha!
Dig! après la perruche
Qui sur son doigt se juche,
Son favori
C'est moi, qui toujours saute
Chante, bois, et ressaute,
Qui toujours ris!
Je n'atteins pas l'oreille
Du grand chien noir qui veille
La nuit, Pepo!
II
Dona fit ma marotte
De satin vert! Ma botte
D'or et de peau
Défierait la bottine
De soie où se
dandine
Son pied mignon.
Le soir, quand à la
brume,
Le citronnier parfume
Son frais balcon,
J'entends la sérénade,
Je ris et je gambade
Puis quand tout dort,
Quand la lune maligne
Rit et de l'oeil me cligne,
Vers Almandor
Je mène la comtesse,
Un ange, une tigresse!
Que de baisers
Sur le sein, sur la joue!
Et quand sa main dénoue
Sans y penser
Son noir corset de soie
Qui craque, et que de joie
L'oeil scintillant
Plonge au fond de la taille,
Quand le hibou les raille,
Moi, j'en vois tant,
Que mi senor l'Évêque
Au gros nez de pastèque
- S'il le pouvait!
Qu'un duc d'Andalousie
D'un oeil de jalousie,
- S'il le savait!
Lorgneraient ma marotte!
- Parfois je lui chuchotte
Des mots bien doux!
La dona de sourire,
De sourire et de dire
" Oh! petit fou!... "
Pour chasser une mouche
Quand je pose ma bouche
Sur son sein brun
Quand je sens de la rose
Qui sur son coeur repose
Le doux parfum,
Jamais sur mon visage
Palmada* ne voyage
Dig! de la main
De son amant fidèle
Pour lui comme pour elle
Je suis un nain!
III
Dig! Dig! Dig! alcades
Pendant les promenades
De senora
Je les envoie au diable!
- Au Diable - acte pendable!
Et caetera!
Quand le soleil nous lance
Ses rayons, je balance
Sur son beau col
Ou sur sa brune épaule,
En chantant un chant drôle,
Un parasol.
IV
Quand au bal tout est flamme,
Tout est or, tout est femme,
" Oh! petit fou,
" Sans tarder, en cadence
Danse-nous une danse!
Oh! Danse-nous!...
- Je lève ma babouche
Rose comme la bouche
Des senoras
Et, dig! dig! je sautille ....
Car tout cet or qui brille
Sur leurs beaux bras,
Car cette fine lame
Que porte au sein la dame
De l'alguazil,
Cette noire mantille,
Ce Xérès qui pétille
Et, vieux Brésil!
Tes cocos et grenades
Après danse et roulades
Seront à moi!
Lors, au seigneur Cramornes
Je ferai mille cornes
De mes deux doigts!...
Il dit que la gargouille
De l'Alcazar, que mouille
L'eau du bon Dieu,
A moins affreuses faces,
Fait moins laides grimaces
Que moi, Mordieu!
V
La nuit .... - Bonsoir mesdames,
Je cours puiser des flammes
Au rendez-vous!
Devinez mon amante! ....
- C'est la lune, ma tante,
Qui rit à tous!
Tral-lo-los!... Ah! l'alcade
Vient... Adieu cavalcad ....
Dig! filons doux!
Mars 1859
[Stéphan Mallarmé]
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