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Je n'ai pas vu l'homme circulant dans la
plaine et les plateaux de son être intérieur, mais je l'ai vu faisant
travailler des atomes et de la vapeur d'eau, bombardant des fractions
d'atomes qui n'existait peut-être même pas, regardant avec des lunettes,
son estomac, sa vessie, les os de son corps, se cherchant en petits
morceaux, en réflexes de chien.
Je n'ai pas entendu le chant de l'homme, le chant de la contemplation des
mondes, le chant de la sphère, le chant de l'immensité, le chant de l'éternelle
attente.
Mais j'ai entendu son chant comme une dérision, comme un spasme,
semblable à celle du tigre, lequel se charge en personne de son
ravitaillement et s'y met tout entier.
J'ai vu les visages de l'homme. Je n'ai pas vu le visage de l'homme comme
un mur blanc qui fait se lever les ombres de la pensée, comme une boule
de cristale qui délivre des passages de l'avenir, mais comme une image
qui fait peur et inspire la méfiance
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No he vist l'home circulant per les planures i els altiplans del seu
ésser interior, però l'he vist fent treballar àtoms i vapor d'aigua,
bombardejant fraccions d'àtoms que potser ni tan sols existeixen, mirant
amb ulleres el seu estómac, la seva bufeta, els ossos del seu cos,
buscant-se en petits trossos, en reflexos de gos.
No he escoltat el cant de l'home, el cant de la
contemplació dels mons, el cant de l'esfera, el cant de la immensitat, el
cant de l'eterna espera.
Però he escoltat el seu cant com una derisió, com un
espasme, semblant a aquell del tigre, que s'encarrega en persona del seu
avituallament i s'hi posa del tot.
He vist els rostres de l'home. No he vist el rostre de
l'home com un mur blanc que fa aixecar-se les ombres del pensament, com
una bola de cristall que deslliura passatges de l'avenir, sinó com una
imatge que fa por i inspira la malfiança [Traducció
de Joan Navarro]
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Chant vingt-troisième
Où vas-tu, homme à la tripe lache?
L 'homme va dans sa grange a idées. Cette idée le tuera. N'importe, il faut qu'il y aille.
Le tigre n'y va pas. Sa patte heureusement est plus souveraine. Avec une pareille
moutarde on asa vie toute assaisonnée.
Il n'y a plus pour lui qu'à trouver un peu d'ombre fraîche, et des raies de
lumière soeurs des rayures de son pelage, et les proies et les joies viendront en
suffisance. Quelle chair, en effet, montée sur deux ou quatre pattes ne se met tôt ou tard en mouvement, inspirée
par l'aventure du changement?
Le tigre frappe, que ne fera pas l'homme?
La mouche s'enlève : Où ne s'envolera pas l'homme?
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(inachevé)
1943
[La Marche dans le tunnel en Épreuves,
exorcismes 1940-1944 Gallimard 1993]
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