[Gustave Roud]
Traducció:
Carles Belda & Amparo Salvador Alcober
Où es-tu? Que de fois crié, cet appel vers un être, du fond de l'abîme intemporel où ma maison a glissé doucement comme un navire perdu! L'absolu triomphe dans cette chambre, fomenté par le feu blanc des neiges. Les portraits parlent, les poèmes chantent. Toute une vie immobile s'illumine au miroir profond de la mémoire. Tout éclate et se fige en un inexorable présent. Le coeur sous la pointe du doigt s'exténue et s'arrête. J'appelle, à travers des lieues, des années, et sans songer même à la dérision de ma voix close, un coeur qui bat. Où es-tu? Et pourtant je sais la route vers le nord qui touche au bout de longues heures la grange où brûle encore le froment que tu fauchais. Je partirais les yeux fermés. Mais la nuit est venue avec la lune et toute l'horreur des marches d'autrefois dans la neige infinie ressuscite. L'été peut mentir encore à l'adolescent qui n'a pas eu la force de dire oui tout de suite à sa solitude. Un oiseau chante pour lui; les fleurs frôlent ses mains nues. Le vent lui jette au visage toute une prairie de juin comme un bouquet d'odeurs. Il faudra, pour qu'il sache enfin, la traversée pas a pas des nuits extrêmes de décembre parmi les cadavres de ses pensées, quand son souffle, qui est pourtant un souffle d'homme, monte comme une buée vide, une vaine vapeur vers les étoiles (Orion, toujours Orion sur l'épaule de la colline orientale illuminée!) et qu'il heurte enfin du front la vitre couleur de miel qui l'appelait à travers l'ombre comme une autre étoile, la transparente muraille infrangible qui le sépare à jamais du bonheur des hommes. A quoi bon repartir ce soir, puisque c'est toujours la même réponse au bout de la neige et de la nuit, la même lampe vers quoi les hommes tendent leurs mains endormies, les lèvres ouvertes sur des paroles qu'ils échangent en riant? Toi seul par qui j'ai pu croire une heure qu'il n'est pas mortel de regarder vivre au lieu de vivre, que c'est encore une espèce de vie — et la plus belle —, je t'appellerais en vain là-bas de seuil en seuil. Les chiens comme autrefois savent bondir de leur sommeil, les rauques bêtes hurlantes à bout de chaîne, et ce n'est plus eux, mais la maison, mais les villages, mais toute la nuit qui aboient! J'ai perdu coeur. Je t'appelle ici près de ma lampe morte, les lèvres closes, les yeux fermés. Tu vivais. Ah! qui me dira si tu respires encore, que si mon coeur s'arrête, le tien bat toujours, faucheur au bord de l'orage, que j'ai vu jadis à l'instant même du premier éclair me sourire. La première goutte de pluie étoile ton épaule et fait frissonner ton adieu. Pour toute une heure, le temps de notre halte sous le toit de tuiles ruisselantes, les pieds dans la poussière pleine de brins de paille, de fragiles empreintes d'oiseaux, il m'a paru que je pouvais vivre encore. Et plus encore que la vie, ce qui de ta chaude et fraîche épaule coulait jusqu'à mon coeur qu'il comblait comme d'une calme musique retrouvée, c'était le repos vivant dans la plénitude atteinte, auprès de quoi celui de la mort ne peut être qu'une grimace. Où es-tu ? Que c'était beau, ces campagnes jusqu'à l'horizon fouaillées par les rafales, l'immense brasier des moissons fumant sous la pluie, les gerbes interrompues, les chars à demi chargés roulant vers les granges, l'essaim des coups de fouet autour des chevaux aux crinières collées et la foule de tes frères, les moissonneurs nus, les moissonneurs pris dans leur toile blanche comme de grands anges maladroits! Tu ne disais rien, les lèvres seulement entrouvertes sous le dur crin d'or, une main dans la mienne, l'autre enroulée au manche de ta faux. C'était la faux d'un faucheur de froments, ternie par la terre d'ou jaillissent les épis d'un seul jet, non point celle des faucheurs d'herbe, avec sa lame qui flambe comme un feu d'acier. Je t'appelle, toi qui m'as dit adieu, qui m'as tendu cette main sombre tachée de sang, toute blessée par la paille aiguë. Je t'appelle – qui pourra m'entendre et me répondre? Où es-tu? Cent fois j'ai repris la même route, sachant bien pourtant que ce ne serait plus jamais la même, qu'elle n'irait jamais plus vers toi. Cette route toujours vide aux yeux des autres hommes, elle est peuplée de mes attentes. Chaque pas que j'y pose y suscite quelque fantôme. Je marche parmi le mensonge de ces présences qui me suivent en pleurant. Je puis te redire chaque arbre, chaque lampe. Il y a soudain des flaques de parfum où l'on glisse: c'est une fleur qui s'ouvre la nuit avec une odeur de semence et de rose. Qui l'a cueillie ne peut la rendre à la route qu'elle ne soit morte peu à peu dans ses paumes refermées. Il y a une forêt magique où l'oiseau des morts m'a parlé. On ne peut l'appeler; il faut l'attendre, s'adosser au tronc d'un hêtre ou se coucher dans l'herbe de soie comme un voyageur fatigué. Il ne vient pas toujours. Il ne vient presque jamais. Il ne dit rien si tu l'interroges. Où es-tu? Est-ce que tu ne peux plus entendre ce cri? Est-ce que tu ne peux me dire si tu respires encore, si ton coeur bat, si cette épaule où poser ma main, une seule fois encore, m'est refusée? Le jour où je n'en pourrai plus d'attendre, je retournerai vers l'oiseau et cette fois je l'appellerai comme ce soir je t'appelle. Son coeur est plein de pitié. J'entendrai le battement d'ailes parmi les feuilles froissées; il viendra tout de suite se poser sur la branche la plus basse. Il m'écoutera. Il écoute ce que les morts lui disent, toutes les paroles des voix sans lèvres. Il porte aux vivants les messages des morts. Il écoutera tout ce que je pourrai lui dire et il s'envolera vers toi.
Pour un moissonneur, Lausanne, Mermod, 1941
Gustave Roud. 1897. Il est l’un grands noms la littérature suisse romande au XXe siècle. En 1908 sa famille s'installe à Carrouge, dans le Jorat. C'est là que l'écrivain passera toute sa vie. En 1928 à la suite d'une grave affection pulmonaire, il passe douze moi au Sanatorium de Leysin. En 1930 il participe à la revue Aujourd'hui, dirigée par Ramuz et Mermod où il fait paraître ses premières traductions de Novalis puis Hölderlin. Il meurt le 10 novembre 1976 à Moudon. Écrivain solitaire, il passa toute sa vie dans le Haut Jorat, un pays de collines douces évoqué dans les proses du Petit Traité de la marche en plaine ou de l’Essai pour un paradis. Poète nomade dans une vie sédentaire, Roud a relié, par son amour des routes et sa culture à la fois romantique et classique, des mondes antinomiques: les sensibilités germanique et latine, les brumes et la lumière, l’obscurité de l’invisible et la clarté du monde tangible. De famille paysanne, mais lui-même universitaire et intellectuel, en constant décalage avec son milieu, il va chercher par la poésie à rassembler ces deux parts de lui-même, invoquant dans une même prose le proche et le lointain, l’ici et l’ailleurs, le charnel et le spirituel.
Bibliographie: Adieu, 1927. Feuillets, 1929. Essai pour un paradis, 1932. Pour un moissonneur, 1941. Air de la solitude, 1945. Haut-Jorat, 1949. Le Repos du cavalier, 1958. Requiem,1967. Campagne perdue, 1972. Trois poèmes anciens, 1976. Traductions: Hölderlin, Poèmes, 1942. Rilke, Lettres à un jeune poète, précédées d’Orphée et suivies de deux essais sur la poésie, 1947. Novalis, Les Disciples à Saïs, Hymnes à la nuit, Journal, 1948. Novalis, Hymnes à la nuit, 1966. Georg Trakl, Vingt-quatre poèmes, 1978.
On ets? Quantes vegades llançada aquesta crida cap a un ésser, des del fons de l’abim intemporal en què ma casa ha lliscat dolçament com un navili perdut! L’absolut triomfa en aquesta cambra, fomentat pel foc blanc de les neus. Els retrats parlen, els poemes canten. Tota una vida immòbil s’il·lumina al mirall profund de la memòria. Tot resplendeix i es fixa en un innexorable present. El cor, sota la punta del dit, s’extenua i es detura. Cride, a través de les llegües, dels anys, i sense ni tan sols adonar-me de la irrisió de la meua veu tancada, un cor que batega. On ets? I, tanmateix, conec el camí cap al nord que arriba, al cap de llargues hores, al graner on encara crema el blat que tu segaves. Marxaria amb els ulls tancats. Però la nit ha arribat amb la lluna, i tot l’horror de les marxes d’altres temps en la neu infinita ressucita. L’estiu pot mentir encara a l’adolescent que no ha tingut la força de dir sí de seguida a la solitud. Un ocell canta per a ell; les flors freguen les seues mans nues. El vent li llança a la cara tot un prat de juny com un pomell d’olors. Necessitarà, per a conéixer per fi, la travesia pas a pas de les nits extremes de desembre entre els cadàvers dels seus pensaments, quan el seu alé, que és, tanmateix, un alé d’home, puge com un baf buit, un vapor va vers les estrelles (Orió, sempre Orió sobre els muscles del turó oriental il·luminat!); i haurà de topar finalment amb el front en el vidre color mel que el cridava a través de l’ombra com una altra estrella, la transparent muralla infranquejable que el separa per sempre de la felicitat dels homes. Per què caminar de nou aquest vespre, si sempre es troba la mateixa resposta al final de la neu i de la nit, el mateix llum cap al qual els homes tendeixen les mans adormides, els llavis oberts a paraules que bescanvien tot rient-se? Només a tu, per qui he pogut creure durant una hora que no és mortal mirar viure en lloc de viure, que segueix sent una espècie de vida −i la més bella−, et cridaria en va allà de llindar en llindar. Els gossos, com antany, saben saltar des del seu somni, les ronques bèsties que udolen encadenades, i ja no són ells, sinó la casa, sinó els pobles, sinó tota la nit els que lladren! M’he desanimat. Et cride ací prop de la meua llàntia morta, els llavis tancats, els ulls closos. Tu vivies. Ah, qui em dirà si respires encara, que si el meu cor es deté, el teu continua batent, segador vora la tempesta, a qui vaig veure temps enrere com em somreia a l’instant mateix del primer llampec. La primera gota de pluja, com un estel a la teua espatla, fa que tremole el teu adéu. Durant una hora sencera, el temps de la nostra parada sota el sostre de teules regalimants, els peus en la pols plena de brins de palla, de fràgils empremtes d’ocells, m’ha semblat que jo encara podia viure. I encara més que la vida, allò que des de les teues espatles càlides i fresques es vessava al meu cor, el qual omplia com d’una tranquil·la música recobrada, era el repòs vivent en la plenitud assolida, al costat del qual el de la mort no pot ser més que una ganyota. On ets? Com eren de bells aquells camps fuetejats fins a l’horitzó per les ràfegues, la immensa foguera de la sega fumejant sota la pluja, les garbes interrompudes, els carros mig carregats rodant cap als graners, l’eixam d’assots al voltant dels cavalls de crineres enganxoses i la multitud dels teus germans, els segadors nus, els segadors presos en llur tela blanca com grans àngels maldestres! Tu no deies res, els llavis només entreoberts sota la dura crinera d’or, una mà en la meua, l’altra cargolada en el mànec de la teua dalla. Era la dalla d’un segador de forment, desllustrada per la terra d'on brollen les espigues alhora, no la dels segadors d’herba, amb la fulla flamejant com un foc d’acer. Jo et cride, a tu que m’has dit adéu, que m’has estés aquesta mà fosca tacada de sang, ferida per la palla punxeguda. Jo et cride −qui podrà escoltar-me i respondre’m? On ets? Cent vegades he représ el mateix camí, tot sabent que mai no seria el mateix, que ja mai aniria cap a tu. Aquest camí sempre buit als ulls dels altres homes, és poblat de les meues esperes. Cada pas que hi faig suscita algun fantasma. Camine entre la mentida d’aquestes presències que em persegueixen plorant. Puc repetir-te cada arbre, cada llàntia. Hi ha, de sobte, bassals de perfum en què un llisca: una flor que s’obri a la nit amb una flaire de llavor i de rosa. Qui l’ha collida no pot tornar-la al camí abans no haja mort a poc a poc a les seues mans tancades. Hi ha un bosc màgic on l’ocell dels morts m’ha parlat. No se’l pot cridar; se l’ha d’esperar, recolzar-se al tronc d’un faig o gitar-se a l’herba de seda com un viatger esgotat. No sempre ve. No ve gairebé mai. No diu res si l’interrogues. On ets? És que no pots sentir aquest crit? És que no pots dir-me si respires encara, si el teu cor bat, si aqueix muscle en què posar la meua mà, una vegada més, m’és negat? El dia que no puga ja esperar-te, em giraré vers l’ocell i aquesta vegada el cridaré com aquesta vesprada et cride. El seu cos és ple de pietat. Sentiré l’aleteig entre les fulles arrugades; es posarà de seguida a la branca més baixa. M’escoltarà. Escolta allò que els morts li diuen, totes les paraules de les veus sense llavis. Porta als vius els missatges dels morts. Escoltarà tot el que jo puga dir-li i volarà cap a tu.
Pour un moissonneur, Lausanne, Mermod, 1941
Gustave Roud Nascut al 1897 a Saint-Légier, al cantó de Vaud, Roud és un dels grans noms de la literatura suïssa en llengua francesa del segle XX. Al 1908, la seua famíla s'instal·la a Carrouge, al Jura, on el futur escriptor passarà tota la seua vida. Es llicencia en lletres a la Universitat de Lausana i publica els seus primers poemes a la revista Vaudois (1915). A l'any 1928, a causa d'una greu afecció pulmonar, passa dotze mesos al sanatori de Leysin. De 1930 a 1932 participa a la revista Aujourd'hui, dirigida per Ramuz i Mermod, on publica les seues primeres traduccions de Novalis i Hölderlin, que completa als anys quaranta, època en què també tradueix Rilke i Trakl. Mort el 10 de novembre de 1976 a Moudon. Escriptor solitari, passa tota la vida a l'Alt Jura, país de tossals suaus evocat a les proses del Petit Traité de la marche en pleine o de l'Essai pour un paradis. Sedentari però amant del viatge, de cultura romàntica i alhora clàssica, Roud connecta mons antinòmics: les sensibilitats germànica i llatina, la boira i la llum, la foscor de l'invisible i la claredat del món tangible. De família camperola, però universitari de formació, en constant distanciament del seu medi, va buscar a través de la poesia, i també de la fotografia, d'aplegar els dos mons personals, tot invocant en una mateixa prosa el pròxim i el llunyà, l'ací i l'allà, la carnalitat i l'espiritualitat.
Bibliografia: Adieu, 1927. Feuillets, 1929. Essai pour un paradis, 1932. Pour un moissonneur, 1941. Air de la solitude, 1945. Haut-Jorat, 1949. Le Repos du cavalier, 1958. Requiem,1967. Campagne perdue, 1972. Trois poèmes anciens, 1976. Traduccions: Hölderlin, Poèmes, 1942. Rilke, Lettres à un jeune poète, precedides d’Orphée i seguides de Deux essais sur la poésie, 1947. Novalis, Les Disciples à Saïs, Hymnes à la nuit, Journal, 1948. Novalis, Hymnes à la nuit, 1966. Georg Trakl, Vingt-quatre poèmes, 1978.
[Traducció de Carles Belda
¿Dónde estás? ¡Cuántas veces se gritó, esta llamada hacia un ser, desde el fondo del abismo intemporal donde mi casa se deslizó suavemente como un navío perdido! Lo absoluto triunfa en esta habitación, fomentado por el fuego blanco de las nieves. Los retratos hablan, los poemas cantan. Toda una vida inmóvil se ilumina en el espejo profundo de la memoria. Todo estalla y se concreta en un inexorable presente. El corazón bajo la punta del dedo se agota y se para. Llamo a través de las leguas, de los años y sin pensar siquiera en lo ridículo de mi voz cerrada, a un corazón que late. ¡Dónde estás ? Y sin embargo conozco el camino hacia el norte que lleva, después de largas horas, hasta el granero donde todavía arde el trigo que tú segabas. Partiría con los ojos cerrados. Pero la noche ha venido con la luna y todo el horror de las marchas de otro tiempo resucita en la nieve infinita. El verano aún puede mentir al adolescente que no tuvo fuerza para decir sí enseguida a su soledad. Un pájaro canta para él; las flores rozan sus manos desnudas. El viento le arroja a la cara toda una pradera de junio como un ramo de olores. Tendrá que saber al fin, la travesía paso a paso de las noches extremas de diciembre entre los cadáveres de sus pensamientos, cuando su aliento, que es sin embargo un aliento de hombre, suba como vaho vacío, un vano vapor hacia las estrellas (¡Orión, siempre Orión al hombro de la colina oriental iluminada!) y que golpee al fin con la frente el cristal color de miel que lo llamaba a través de la sombra como otra estrella, la transparente muralla inexpugnable que lo separa para siempre de la felicidad de los hombres. ¿De qué sirve volver a partir esta noche, ya que la respuesta al cabo de la nieve y de la noche es siempre la misma, la misma lámpara hacia la que los hombres tienden sus manos adormecidas, los labios abiertos en palabras que intercambian riendo? Sólo a ti por quien pude creer durante una hora que no es mortal mirar vivir en lugar de vivir, que es otra especie de vida –y la más bella-, te llamaría en vano allí de umbral en umbral. Los perros como antes saben saltar de su sueño, los roncos animales aullando al extremo de la cadena, ¡y ya no son ellos, sino la casa, no ellos sino los pueblos, no ellos sino toda la noche los que ladran! Perdí coraje. Te llamo aquí, cerca de mi lámpara muerta, con los labios sellados, con los ojos cerrados. Vivías. ¡Oh¡ quién me dirá si aún respiras, que si mi corazón se para, el tuyo sigue latiendo, segador al borde de la tormenta, a quien antaño vi sonreírme en el instante mismo del primer relámpago. La primera gota de lluvia se hace estrella en tu hombro y hace estremecer tu adiós. Durante toda una hora, el tiempo de nuestro alto en el camino bajo el techo de tejas que chorreaban, con los pies en el polvo lleno de briznas de paja, de frágiles huellas de pájaros, me pareció que aún podía vivir. Y aún más que la vida, lo que de tu cálido y fresco hombro fluía hasta mi corazón colmándolo como con una apacible música reencontrada, era el reposo que vive en la plenitud alcanzada, y a su lado, el de la muerte no es sino una mueca. ¿Dónde estás ? ¡Qué hermoso era! ¡Aquellos campos hasta el horizonte azotados por las ráfagas, la inmensa hoguera de la siega humeando bajo la lluvia, las gavillas interrumpidas, los carros medio llenos rodando hacia las graneros, el enjambre de latigazos alrededor de los caballos con las crines pegadas y la multitud de tus hermanos, los segadores desnudos, los segadores prisioneros de su tela blanca como grandes ángeles torpones! Tú no decías nada, con los labios apenas entreabiertos bajo la dura crin de oro, con una mano en la mía y la otra envolviendo el mango de tu hoz. Era la hoz de un segador de trigo, deslustrada por la tierra de donde brotaban las espigas en un solo ramo, no la del segador de hierba, con su hoja que flamea como fuego de acero. Te llamo, a ti que me has dicho adiós, que me has tendido esa mano oscura manchada de sangre, toda herida por la paja aguda. Te llamo - ¿quién podrá oírme y responderme? ¿Dónde estás? Cien veces he vuelto a tomar la mismo camino, aunque sabía bien que nunca sería la misma, que nunca más me llevaría a ti. Ese camino siempre vacía a los ojos de los demás, está habitada por mis esperas. Cada paso que en ella doy suscita algún fantasma. Camino entre la mentira de estas presencias que me siguen llorando. Puedo decirte cada árbol, cada lámpara. De repente hay charcos de perfume donde nos deslizamos: es una flor que se abre por la noche con un olor de semilla y de rosa. Quien la ha cogido no puede devolverla al camino si no es tras morir poco a poco encerrada en sus palmas. Hay un bosque mágico donde el pájaro de los muertos me habló. No se le puede llamar; hay que esperarlo, apoyarse en el tronco de un haya o acostarse en la hierba de seda como un viajero fatigado. No viene siempre. No viene casi nunca. No dice nada si le interrogas. ¿Dónde estás? ¿Acaso ya no puedes oír este grito? ¿No puedes decirme si aún respiras, si tu corazón late, si ese hombro donde posar mi mano, una sola vez todavía, me ha rechazado? El día en que ya no pueda esperar, volveré hacia el pájaro y esa vez lo llamaré como esta tarde te llamo. Su corazón está lleno de piedad. Oiré batir sus alas entre las hojas arrugadas; vendrá enseguida a posarse en la rama más baja. Me escuchará. Escucha lo que los muertos le dicen, todas las palabras de las voces sin labios. Lleva a los vivos los mensajes de los muertos. Escuchará todo lo que pueda decirle y volará hacia ti.
Pour un moissonneur, Lausanne, Mermod, 1941
Gustave Roud. 1897. Es uno de los grandes nombres de la Suiza francófona del siglo XX. En 1908 su familia se instala en Carrouge, en la región del Jura y allí pasará el escritor toda su vida. En 1928, después de una grave afección pulmonar, pasa doce meses en el Sanatorio de Leysin. En 1930 participa en la revista Aujourd’hui, dirigida por Rasmuz y Mermod donde publica sus primeras traducciones de Novalis y más tarde de Hölderlin. Muere el 10 de noviembre de 1976 en Meudon. Escritor solitario, pasó toda su vida en el Alto Jura, un país de suaves colinas evocado en el Petit Traité de la marche en plaine o en el Essai pour un paradis. Poeta nómada con una vida sedentaria, Roud unió, gracias a su amor por los caminos y su cultura romántica y clásica a la vez, mundos antinómicos: las sensibilidades germánica y latina, las brumas y la luz, la oscuridad de lo invisible y la claridad del mundo tangible. Aunque de familia campesina, él fue universitario e intelectual lo que le provocó un desfase continuo con su entorno que intentó superar por medio de la poesía, invocando en una misma prosa lo próximo y lo lejano, el aquí y los otros lugares, lo carnal y lo espiritual. Bibliografía : Adieu, 1927. Feuillets, 1929. Essai pour un paradis, 1932. Pour un moissonneur, 1941. Air de la solitude, 1945. Haut-Jorat, 1949. Le Repos du cavalier, 1958. Requiem,1967. Campagne perdue, 1972. Trois poèmes anciens, 1976. Traducciones: Hölderlin, Poemas, 1942. Rilke Cartas a un joven poeta precedidas de Orfeo y seguidas de Dos ensayos sobre la poesía, 1947. Novalis, Los discípulos de Saïs, Himnos a la noche, Diario, 1948. Novalis, Himnos a la noche, 1966. Georg Trakl, Veinticuatro poemas, 1978. [Traducció d'Amparo Salvador Alcober
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